Jean Leloup, Cronique d'une mort annoncée
par Patrick Gauthier
dans Le Journal de Montréal, 17 avril 2004
Entrevue

Pour un cadavre, Jean Leloup se porte plutôt bien...

Ne reculant devant rien et soucieux de repousser chaque semaine les limites du journalisme, le cahier Week-end vous offre aujourd'hui une première mondiale: une interview avec un mort.

Nous l'avons rencontré cette semaine au cinquième étage d'un édifice un peu décrépit de Park Extension, où Jean Leclerc a installé ses pénates, le temps de terminer le testament musical de son alter ego, Jean Leloup.

Ce testament prend la forme d'un film, Exit, que les fans du défunt rocker pourront se procurer dès mardi. Le dévédé est augmenté de deux disques compacts.

En entrevue, Jean Leloup/Leclerc affiche une mine resplendissante et ne montre aucun des signes extérieurs de la mort. La peau n'est pas plus blême qu'à l'habituelle, l'oeil brille encore. En fait, mort, Leloup est pétant de santé!

Création

C'est vrai qu'il n'y a rien comme la création pour se sentir vivant. Et depuis qu'il mange les pissenlits par la racine, Leloup n'a jamais autant écrit.

"J'ai deux projets de film en marche cette année", dit le macchabée entre deux gorgées de thé glacé. Cette boisson est d'ailleurs la préférée des morts, chose peu connue des vivants.

"C'est justement pour faire ça, pour faire autre chose, pour écrire autre chose, que j'ai décidé de faire mourir ce personnage d'antiquaire rock and roll, de rocker à chapeau haut de forme", ajoute-t-il d'une voix qui ne semble pas provenir d'outre-tombe.

Presque six mois après avoir annoncé sa mort, Jean Leloup s'accroche beaucoup moins à la blague que constituait son suicide.

Il répète d'ailleurs n'avoir pas toujours été le personnage qu'il a mis en terre à la fin de 2003 - "je le lâchais souvent" - et avoue avoir été un peu dépassé par les réactions suscitées par l'annonce de sa mort. "On a monté ça en épingle", constate-t-il.

Les motivations de cette mort prématurée, elles, restent les mêmes: Leloup, le rocker, sentait que la stagnation le guettait.

"Je vais continuer avec des tounes, mais je vais les mettre dans mon site", explique le musicien, parlant du www.roiponpon.com, qui devrait être en ligne d'ici peu.

Envie de Jetta

Toutefois, dans Exit, on entend Jean Leloup y aller de surprenantes confessions, au volant de la van de Carlos Soldevilla. Le musicien dit envier la Jetta d'un ami et avoue vouloir femme et enfants.

"Je me suis amusé avec le thème de la normalité, précise-t-il. C'est comme ma mort. Je voulais une belle mort et on a pensé à plein d'affaires. On voulait un accident de la route: la van s'écrase au fond d'un ravin. J'ai choisi une mort symbolique, pour un personnage: je brûle ma guitare."

Pour son testament, Leloup n'a pas voulu non plus signer sa propre musicographie. "Le documentaire, je laisse ça aux autres.

"Remarque que je pourrais faire Leloup Story au Capitole de Québec! Faire des soupers-spectacles! Mon premier show, c'était un souper-spectacle. À Tadoussac. Le monde digérait son homard et on faisait notre rock and roll. Tout le monde est parti alors ils ont fait rentrer les punks qui attendaient dehors parce qu'il n'avaient pas d'argent!"

En attendant la version café-concert de Leloup Story, on peut voir et entendre Exit, testament inégal que nous livre ce brillant artiste.

Et, à l'automne, on aurait droit à son court métrage rigolo-biographique, Noir destin que le mien, dont j'ai pu voir quelques extraits.

Si ces quelques minutes sont une bonne indication de la valeur de Jean Leclerc, le cinéaste, on peut vous dire qu'on ne s'ennuiera pas longtemps de Leloup, le rocker.

Photo d'ARCHIVES: C'est pour faire autre chose que de jouer à la vedette de rock que Jean Leclerc a mis en terre Jean Leloup.
Cet article contient aussi une image: [1]
page principale | articles: alphabétique | articles: chronologique | photos

Dernière mise à jour le 24 avril 2004.
http://news.lecastel.org
Conception: SD