Jean Leloup s'est évadé
par Patrick Gauthier
dans Le Journal de Montréal, 28 novembre 2002
Entrevue

On ne peut tenir un loup en cage. Ni dans une maison. Ni même dans un meeting. Parlez-en au loup le plus connu de la francophonie, Jean de son prénom, qui s'évade enfin des corsets qui l'étouffaient et signe, avec La Vallée des réputations, un disque qui se veut un cri de libération.

Ballade à Toronto, Je suis parti, Paradis perdu, La vallée des réputations, Promeneur (clin d'oeil au Rambling Man de Hank Williams, modèle de Leloup ici) : le nouvel album de Jean Leloup est truffé de références à l'errance, au mouvement, à des lieux lointains.

La Vallée des réputations, cinquième album seulement en presque quinze ans de carrière pour Leloup, est un disque d'évasion.

Un album qui marque de fait sa première réalisation et sa première production. La Vallée des réputations est également son premier disque hors du giron d'Audiogram (qui a l'album en licence).

«Audiogram a toujours été bon pour moi et n'a jamais tenté de faire du contrôle artistique, précise l'artiste. Mais j'aime pas faire des meetings. C'est des discussions à pu finir, juste pour pouvoir faire un remixe. Vu que c'est pas ton fric mais le leur, t'as pas le choix.

«Si j'avais été un vrai insécure, pas de style ni de talent, je serais resté avec Audiogram. Mais, en amour je ne connais rien mais la musique, je m'y connais un peu et, à 40 ans, aller demander la permission à quelqu'un avant de faire quelque chose...»

Honteux mais de bonne humeur

À quarante ans, Jean Leloup est donc un artiste libre. L'homme l'est presque autant, lui qui abandonnait il y a quelques années une longue relation, en train de s'ankyloser.

«Il y a eu une grosse séparation, acquiesce-t-il même si, habituellement, il refuse de parler de sa vie privée. J'avais décidé que j'allais être avec cette personne-là pis ça n'a pas marché. C'est assez dur. Je pensais [que la séparation] allait être plus facile.

«Je ne fais pas de déni : j'ai eu de la peine que ça n'ait pas marché. Elle était cool. Je me sentais traître. C'était comme nier l'absolu. C'était lâche. J'avais acheté une maison pis toute... Mais j'avais le choix : être courageux et frustré, ou lâche et légèrement content. Je suis parti. Honteux mais de bonne humeur. »

Fuck le système

Artiste libre, homme presque libre, Leloup cherche également à vivre dans la marge, en dehors de ce système qu'il abhorre.

«C'est ma seule conviction, profonde: j'haïs le système. Ce n'est pas du fake : je ne suis pas d'accord avec la platitude. Des fois, j'ai l'impression que ce qui est bafoué, c'est le domaine de l'instinct, de la magie, de tout ce qui est indicible, tout ça bafoué par le monde actuel.

«Et il y a le fait que les gens manquent absolument de convictions. Ça, ça me fatigue. Ils ne vivent que pour se gaver. Gaver d'honneur, de gloire, d'argent. J'ai un ami qui m'a appelé, en pleine peine d'amour. Il disait ça va aller, ça va aller. Criss, fais-moi une dépression de trois mois, une vraie, jusqu'au fond, songe au suicide, là je vais t'aimer ! »

Soyez donc avertis : en cas de peine d'amour, la dernière personne à appeler est Jean Leloup.

L'écoute de son excellent nouvel album, disponible mardi prochain, est autrement plus conseillée...

Photo: JEAN LELOUP est un artiste libre. L'homme l'est presque autant.

Photo: IL CHERCHE à vivre dans la marge, en dehors de ce système qu'il abhorre.

MCC, LTC
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Dernière mise à jour le 20 janvier 2005.
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