Un loup dans la «beigerie»
par Alexandre Vigneault
dans La Presse, 13 septembre 2008
Critique
Ce n'est pas que je crois que les artistes doivent rendre des comptes à leur public ou aux journalistes, mais j'étais curieux d'entendre ce que Jean Leloup avait à dire sur son spectacle présenté à Québec. Son «pow wow» du 30 août au Colisée a été sévèrement jugé, comme vous le savez sans doute. Des critiques (dont moi) et plusieurs de ses fans lui ont notamment reproché d'avoir abreuvé la salle d'insultes durant la première heure du spectacle. Ce n'est pas tant son retour que son attitude qui a fait l'événement.

Leloup a d'abord refusé de commenter. Après avoir refusé de participer à une émission de Christiane Charette à laquelle Valérie Lesage (du journal Le Soleil) et moi étions aussi conviés, le 5 septembre, il a finalement décidé de s'y inviter jeudi matin. Seul avec l'animatrice, sa guitare à portée de la main.

Sa performance - car c'en était une - a été aussi chaotique que son spectacle. Son discours a même été tellement décousu qu'il est difficile de rapporter de manière claire et concise ce qu'il a tenté de dire. Il ne s'est pas excusé, ça c'est certain. Il en a même rajouté, délirant allègrement sur l'un de ses thèmes de prédilection: le monde est «beige», «mou» et moi je suis là pour avoir du fun et vous «botter le cul». Allons, tous ensemble sur un air connu: «Beige, beige, comme le monde est beige, beige/Et je ne suis pas beige, beige!»

Ses insultes relevaient en partie de l'ironie, a-t-il fait valoir. O.K. il faisait le clown quand il traitait le monde de Québec de «gros». Sauf que son ton était si agressif quand il sommait les spectateurs de cesser de «beugler comme des cons» qu'il ne laissait aucun doute: il n'y avait pas de deuxième degré.

Il a aussi dit que son projet a été mal compris. Il n'a pas tort. On peut lui reprocher son attitude, mais pas d'avoir dupé les gens. Il n'a jamais laissé entendre qu'il allait enfiler ses vieux succès de manière conventionnelle. Il avait même dit exactement le contraire en entrevue, début août. Sur les ondes d'une radio de Québec, en juin, il a même été question de mêler une formation reggae et des musiciens amérindiens dans un spectacle concept où seraient aussi invités des extraterrestres! Cela dit, un concept éclaté n'est pas en soi un gage de qualité.

Là où je décroche, par contre, c'est lorsque Leloup essaie de diviser pour régner. Au micro de Christiane Charette, il a affirmé en substance que les jeunes ont aimé son spectacle et que les vieux n'ont pas embarqué dans sa folie. Futile guéguerre de générations. Sur une fausse prémisse, en plus: ceux qui chantent ses louanges sur le babillard du site LeCastel.org n'ont certainement pas son âge, ceux qui le vilipendent non plus.

Qu'il se cache derrière son personnage ou non - à supposer qu'on sache faire la différence -, une chose est sûre: Leloup cherche à donner l'impression qu'il vole au-dessus de la mêlée, mais il préfère clairement les fleurs au pot. On a eu le sentiment qu'il cherchait à fuir lorsque Christiane Charette lui a lu des courriels négatifs envoyés par des auditeurs, alors que sa voix s'est soudainement rapprochée du micro quand l'animatrice lui a transmis des messages élogieux...

Que voulait Leloup à Québec, finalement? Que la foule entre en transe... sans crier. Que voulait la foule de Québec, elle? Entrer en transe... sans se faire crier après. Il y a sûrement moyen de trouver un terrain d'entente.

Le rockeur fomente maintenant son retour à Montréal. Rien n'a été signé, mais il est fortement question du 30 janvier, au Théâtre du Centre Bell. Allez, on y va tous habillés en beige fluo. Vous imaginez la gueule de Leloup?

Écoutez l'intégrale de l'entrevue de Jean Leloup à Christiane Charette: www.radio-canada.ca/radio/christiane
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Dernière mise à jour le 14 septembre 2008.
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