Regards sur Yann Perreau
par Alexandre Vigneault
dans La Presse, 15 janvier 2004
Article

Sa présence, totale et généreuse, marque de manière durable. Ses chansons pop décalées touchent en prenant des chemins peu fréquentés. Yann Perreau, on l'a dit et répété, est l'artiste québécois qui nous a le plus étonnés l'an dernier. Puisqu'il est en spectacle à compter de ce soir (avec le tout aussi séduisant Martin Léon) et qu'on lui a beaucoup parlé ces derniers mois, LP2 a demandé à quatre personnes qui ont connu Perreau durant ses années de formation de nous en parler.

Éric Goulet, meneur du groupe Les Chiens (quatre albums, dont le récent Debout) et réalisateur d'ex-cellents albums (Chacun son espace de Vincent Vallières, Fantastik strapagosse de WD-40...)

Du temps où il faisait partie de Possession simple, Éric Goulet a joué avec l'ancien groupe de Yann Perreau : «Doc et les chirurgiens, à mon souvenir, c'était un groupe de musiciens très compétents et Yann Perreau était un showman incroyable, se rappelle-t-il. Mais je trouvais qu'ils n'avaient pas de tounes. Pas de chanson que j'aurais pu chanter après le spectacle. Il y avait une énergie qui bouillonnait, mais rien de très centré. Ça arrive souvent dans les groupes : tout le monde tire la couverte de son bord... ce qui fait que la musique n'a pas de personnalité.» Juste avant que Yann Perreau ne se joigne à la troupe de théâtre de Pol Pelletier, Éric Goulet a travaillé avec lui sur quelques chansons aujourd'hui gravées sur l'album de Perreau intitulé Western romance. «Quand il s'est mis à composer tout seul, on sentait tout de suite que son univers était recentré, dit Éric. Son matériel était plus percutant. Je ne suis pas surpris du succès qu'il obtient. Parmi les artistes que j'ai l'occasion de côtoyer, j'ai rarement vu une telle adéquation entre la qualité du produit offert et la réception, à la fois du public et des médias.» Yann Perreau a aussi beaucoup d'estime pour Éric Goulet - Debout est son album québécois favori de 2003 - et il a partagé la scène avec Les Chiens pas plus tard que l'automne dernier.

Gilles Brisebois, bassiste, a joué avec Les Taches, Jean Leloup, Les Frères à ch'val, Voïvod, Fredric Gary Comeau et Yann Perreau. Il a réalisé l'album Western romance.

Gilles Brisebois a connu Yann Perreau à l'époque de Doc et les chirurgiens. «Je jouais avec Les Frères à ch'val dans ce temps-là et nos deux groupes faisaient parfois des shows ensemble, se remémore-t-il. Chaque fois que je le voyais, il me payait un stinger. On est devenus copains comme ça.» Des années après, ils se sont revus au Quai des brumes. Yann Perreau lui a encore payé un stinger au bar. Gilles Brisebois lui a demandé s'il faisait encore de la musique. L'autre lui a répondu que oui, mais qu'il ne voulait plus jouer avec un groupe, que c'était trop compliqué. «Je lui ai offert de venir chez moi de temps en temps pour travailler ses chansons dans mon studio maison. De fil en aiguille, on a fait un disque. On s'est rendu compte qu'en travaillant tous les deux, on était très productifs. Quand il est venu chez moi la première fois, ses tounes faisaient très chanson française, ce n'est pas trop mon bag. Je lui ai suggéré de faire plus moderne, de faire plus drum'n bass, plus trip hop. Je lui ai amené des beats, on a réarrangé les rythmes. Ce que j'aime de Yann, c'est son ouverture d'esprit. Des fois, tu travailles avec des gens qui veulent faire différent, mais qui ne veulent pas prendre de risques... Yann est un bon chanteur, un bon auteur, un bon musicien, un bon comédien et un bon danseur. Ça fait beaucoup de qualités pour un seul artiste !»

Pol Pelletier, femme de théâtre. Elle a formé Yann Perreau dans son Dojo pour acteurs et artistes de la scène.

«Étant donné qu'il était très jeune quand je l'ai connu, c'est une des personnes qui ont le mieux compris mon travail, dit la comédienne. Il n'avait aucune barrière, aucune peur. Il a un instinct féroce pour la vérité, la qualité, la beauté. C'est remarquable chez quelqu'un de si jeune et, s'il est représentatif de la jeunesse d'aujourd'hui, c'est absolument extraordinaire.» Pol Pelletier a vu son ancien élève deux fois sur scène au cours des dernières années. Elle a été éblouie. «Mon travail est fondé sur la recherche d'un état où il n'y a plus de dualité intérieure, explique-t-elle. Les grands moments, en amour ou en création, sont ceux où on devient un. Tout mon travail est fondé sur l'atteinte d'un état d'éveil extrêmement grand où la dualité n'est plus. Je l'ai vu arriver sur scène et il tranchait sur tout le monde. Il te rentre directement dans le coeur. Sa présence était tellement pure, tellement cristalline, il n'y avait pas de zone d'ombre. Quand il s'est mis à bouger - son corps a changé beaucoup avec moi -, j'ai vu qu'il avait libéré le haut de son corps, que son coeur était plus ouvert, qu'il avait plus de force dans les jambes et plus d'équilibre. Je me disais »Enfin, on le voit«. Et enfin, on voit que le travail que je fais donne quelque chose. Il est un extraordinaire exemple de ce que j'essaie de dire depuis 15 ans.»

Alain Chartrand, directeur artistique du Coup de coeur francophone. Il fut le premier à présenter Yann Perreau en solo, à l'automne 2001.

«Son nom ne m'était pas inconnu. Est-ce que j'ai entendu ses chansons alors que je faisais partie d'un jury ? Est-ce un démo que quelqu'un nous a envoyé ? Honnêtement, je ne me le rappelle pas, mais je sais que son enregistrement m'avait fasciné à cause de son écriture et de sa façon de livrer ses chansons. Il fait partie de ceux qui ont du bruit dans la voix, il fait vivre ce qu'il écrit. On entend beaucoup de gens chez qui tout est parfait, la voix, les textes, la musique, mais en ce qui me concerne, le chien ne jappe pas. Yann Perreau, lui, avait déjà cette façon particulière d'habiter ses chansons.» Un précieux lien s'est noué entre Yann Perreau et le Coup de coeur par la suite. Le festival automnal a offert une scène à l'auteur-compositeur à chacune de ces trois dernières présentations et lui a même donné un coup de pouce pour son premier saut en Belgique à l'été 2002. «Tout ce qu'on sentait chez lui s'est concrétisé un peu plus tard, précise Alain Chartrand, avec le spectacle atmosphérique et très physique qu'il présente ces temps-ci.» Comme au Cabaret Music-Hall, ce soir, par exemple.

Yann Perreau et Martin Léon sur scène : 15 janvier au Cabaret Music-Hall (musée Juste pour rire) à Montréal / 18 janvier au Centre culturel de Drummondville / 28 janvier au Centre culturel de Joliette / 14 février à la salle André-Mathieu de Laval / 26 février au Théâtre Hector-Charland à L'Assomption / 27 février au Centre culturel de Beloeil

Photo: Martin Tremblay, La Presse.
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Dernière mise à jour le 16 janvier 2004.
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