Jean Leclerc - Mexico
par Alexandre Vigneault, Marie-Christine Blais, Alain Brunet
dans La Presse, 16 septembre 2006
Critique

Les antennes commerciales ne sont pas folles de Tangerine et Mexico, les deux premiers extraits de l'album de Jean Leclerc. Est-ce à dire que son étoile pâlit? Que son immense talent l'a quitté lorsqu'il a brûlé sa Fender Jazzmaster 1969 et mis à mort son alter ego Leloup? Nos chroniqueurs se prononcent.

Pied de nez tripatif *** 1/2

Partons du principe qu'il y a deux types de fans de Leclerc-Leloup-the Wolf-Dead Wolf. Il y a ceux qui aiment son irrésistible sens de la mélodie pop. Ceux-là dansent sur ses succès : Cookie, Le monde est à pleurer, 1990, Alger et les autres. Il y a aussi les inconditionnels, ceux qui l'aiment quand il joue de la guitare, même quand il improvise et se perd. Mexico ne s'adresse pas aux premiers. Il va cependant combler les autres. Dead Wolf Leclerc s'y laisse aller comme jamais. Il s'y paye un fabuleux trip de guitare, à la fois rock, groove, chaloupé et toujours bien balancé. Il faut prendre ce disque comme un tout. Il faut y entrer comme on entre dans un disque de rap, par l'intro (Ice Cream, une sorte de d'aperçu de l'album) et se laisser porter jusqu'à "l'outro" (l'instrumentale No Money No Home), en traversant les chansons et les interludes parlés. Et il faut parfois y donner du temps. Jean Leclerc manque une marche ici et là, dérape un peu plus qu'il ne le faudrait. Mexico n'en demeure pas moins un tripatif pied de nez aux règles du jeu et à un monde qu'il trouve encore à pleurer. - Alexandre Vigneault

+ Les guitares!
- Personne II

La vie est laide, le disque est beau *****

Pastichons : ceci n'est pas Jean Leloup, c'est Jean Leclerc. Et ceci n'est pas un disque, c'est une oeuvre. Pas une oeuvre " littéraire ", même si les références à une kyrielle d'auteurs, de Rutebeuf à Hugo, abondent, de même que les clins d'oeil musicaux à Lou Reed et compagnie. OEuvre parce que Leclerc fait avec cohérence ce que Leloup faisait de façon plus inégale : avec sa guitare et sa voix et des chansons de tous acabits, se pencher sur des humains et exprimer un bref moment de leur vie, comme si Leclerc se trouvait à l'intérieur même de la tête - ou de l'âme - de ces humains, qu'ils soient femme battue, aspirante vedette, cadavre, voleur, ami, musicien qui sombre dans la dépression, la vraie, la plate.... Et tout ça sans jamais ni les " glamouriser " ni les mépriser. On a beaucoup parlé du rock et de la liberté et de l'inventivité de Jean Leloup-Leclerc, mais peu de son étrange compassion déjantée pour les êtres humains. Alors, faute de place, on dira simplement que Mexico est à Leclerc ce que L'histoire de Melody Nelson fut à Gainsbourg : une oeuvre. Avec le mot "chef" devant. - Marie-Christine Blais

+ L'album et le retour d'un certain jean
- Impossible de faire autre chose en écoutant ce disque

En fuite vers la... cohérence *** 1/2

Deux décennies plus tard, Leloup est redevenu Leclerc et nous prenons encore plaisir à arpenter cet imaginaire débridé et délirant. Rimes taillées dans l'urgence, narration éclatée, illuminations à répétition, ainsi carbure notre homme après tant d'années. On y croise ces cow-boys errant dans la vallée des réputations, on y observe ces clochards migrateurs, on y recense ces sujets du roi Ponpon terrorisés (par quoi? une mygale jaune voyons!), on y visualise ce méchant papa enfin liquidé par une bonne maman. Il y a aussi ces voleurs envoûtés, ces amours et amitiés dissolues, ces fuyards magnifiques qui "visitent le monde à regarder à l'horizon les lumières de chaque nouvelle ville. Musicalement, toujours les mêmes ingrédients de base : sens absolu du refrain pop, rock stonien et garagiste, gravats de reggae, débris technoïdes, recettes explosives malgré leur minimalisme. Le danger qui guette et guettera toujours notre grand clerc de la pop est toujours là : la déviation, la fuite pour la fuite, la parenthèse distraite et contre-productive. Fort heureusement, notre Leclerc (réalisateur et multi-intrumentiste de surcroît) tend à éviter cet éceuil dans le cas qui nous occupe. Mexico n'est certes pas son grand disque de musique, il n'est peut-être pas truffé de tubes, le chanteur y fait peut-être trop souvent place au narrateur... Ce Mexico m'apparaît néanmoins comme le plus cohérent de sa production depuis des lustres. - Alain Brunet

+ La cohésion
- Manque de tubes?
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Dernière mise à jour le 16 septembre 2006.
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