Les Camérios de Rimouski
par Francine Grimaldi
dans La Presse, 1 octobre 1993
Article

Je viens de passer quatre jours au bord de la mer à Rimouski. Pas pour faire le plein d'énergie solaire (ce sera pour mes vacances, en novembre)...

J'ai assisté aux visionnements des films en compétition au Carrousel international du film de Rimouski, soit 11 longs et 10 courts métrages, et à la remise des prix Camério décernés par un Jury international, formé de jeunes cinéphiles de 14 à 17 ans.

C'est un festival unique en son genre en Amérique. Pour garder l'attention des jeunes sur le film, il n'y a pas de sous-titres sur l'écran pour les films étrangers. Ce sont des bénévoles qui font la traduction simultanée en français. En fait, ils jouent! Ils changent leur voix, ils font passer les émotions, comme pour un doublage mais les films sont présentés en version originale. On s'y fait...

Il y avait des histoires de fantômes, des aventures de voleurs de grands chemins, des comédies loufoques, de merveilleux courts métrages d'animation et plusieurs drames de mal aimés.

UN RAYON DE SOLEIL

Inoubliable le passage de Sandra aussi à Rimouski. Lisa Fusco, 27 ans, qui joue Sandra, c'est la vie, une trisomique (mongolienne) qui après avoir passé 16 ans en institution est envoyée chez sa mère «naturelle», dans le monde «normal». Lisa Fusco est boulversante, irrésistible dans ce film suisse de Dominique Othenin-Girard. Elle est pareille dans la vie. Elle a été très active, très présente au festival et puis je l'ai vue, aussi intense, danser pendant des heures au party de clôture du Festival. Un rayon de soleil cette fille.

COMME DES PROS...

Les jeunes ont eu l'ocasion de travailler en ateliers, dans le concret, avec des pros comme Stella Goulet, Yvon Mallette, Danyèle Patenaude et Bernadette Renaud, qui, soit dit en passant, vient de publier le deuxième tome de sa trilogie sur Un homme comme tant d'autres aux éditions Libre Expression.

Nous, nous avons eu le plaisir de côtoyer matin, midi et soir tout ce beau monde au Centre civique et autour des meilleures tables de la région, de La Vieille Demoiselle juste à côté (que notre gourmandise a fait veiller bien tard à chaque soir) jusqu'à l'incontournable et toujours mémorable brunch de l'Auberge du Mange Grenouille, une maison de rêve, chaleureuse et hospitalière au Bic.

LA TOURNÉE? C'EST LAIT!

Je suis rentrée dimanche à Montréal, en même temps que Jean Leloup, France D'Amour et Vilain Pingouin. Ils sont en pleine Tournée Rock le lait et ces deux dernières journées de congé étaient vraisemblablement les bienvenues.

C'est épuisant la vie de tournée. Ça ne dort pas ces jeunes-là. J'ai vu leur spectacle à l'aréna de Rimouski: ça déménage! Ils sont gonflés à bloc! Pour eux, c'est du gâteau, ils n'ont qu'une heure chacun à donner par soir alors ils mettent le paquet. Ce qui nous donne droit à trois heures d'un Super Show Rock, avec décor et éclairages sophistiqués pour seulement 20$.

Ils m'ont tous dit que c'est leur plus belle tournée: organisation super-sympa; ils sont gâtés, ils adorent voyager ensemble (heureusement!) en autobus de luxe. Ils jouent aux cartes et il y en a toujours un pour partir une Jam en sortant sa guitare ou son accordéon, même dans les hôtels.

La seule nuit où les techniciens auraient pu dormir dans une chambre d'hôtel, ils n'ont pas pu fermer l'oeil parce que nos rockers ont jammé toute la nuit à côté. C'était l'enfer!

Des enfants terribles et le pire, m'a-t-on dit, c'est Jean Leloup le plus tannant, le plus imprévisible. Et Francine, la seule fille du groupe? «C'est comme un gars de la gang. Elle nous fait même rougir avec ses histoires à l'occasion. C'est étonnant, mais je réalise que nous les gars on est pas mal prudes», m'a confié Vilain Pingouin.

L'AUTOBUS

J'ai visité l'autobus de l'équipe technique. L'intérieur ressemble à un wagon-lits de train, avec salon fumeur et salon non-fumeur, cuisinette, une salle de bain et, de chaque côté de l'allée sont cordés les lits, sur trois étages! Ils se douchent et s'habillent dans les arénas. Ça doit être invivable! J'ai risqué la question et voilà que le chef me dit: «Pas du tout. On n'a pas le temps de sortir le soir et de faire les fous comme les artistes, et eux dorment dans de bons lits confortables à l'hôtel! Quand on rentre à bord, nous sommes tous tellement épuisés que ça ne prend pas cinq minutes que tout le monde dort.»

LELOUP, PLUS LOIN...

Jean Leloup est toujours aussi survolté (faut le voir soulever son guitariste et le porter sur ses épaules pendant tout un solo! Costaud!). Et heureux comme un poisson dans l'eau. Il dit: «J'aime voyager avec la gang en autobus. Nous avons appris à nous connaître et maintenant nous sommes devenus des amis et on va se payer toute une finale samedi au Forum de Montréal.»

Leloup, qui n'avait pas donné de spectacle depuis deux ans au Québec, interprète ses succès mais aussi il «casse» six nouvelles chansons dans cette tournée: Gare Nationale, Edgar, le Manoir, Faire des enfants, Enfer et Paradis, Je deviens fou; du rock plus raw, moins speedy. «Il faut que j'aille plus loin. Vous verrez la différence sur mon prochain album», dit-il.

FAIRE RIRE JAUNE

En rentrant à la maison hier j'ai eu des nouvelles de Tokyo. Le premier long métrage du jeune cinéaste montréalais Arto Paragamian, une comédie intitulée Because Why, a reçu un accueil hors du commun m'a dit au téléphone son producteur et distributeur Claude Gagnon, d'Aska Films: «C'est une comédie et c'est difficile de faire rire les Asiatiques avec notre humour, mais je n'en revenais pas de la compréhension du public.

«J'ai vu deux spectateurs sortir de la salle, sur environ 500 personnes, et la réaction de la salle a été très vive! Ils sont restés après la projection pour poser des questions des plus intéressées et intéressantes. Un étonnant degré de lecture cinématographique, car ça a beau être une comédie, il y a deux et trois niveaux de lectures possibles. C'était jouissif de les voir tous souriants. En plus d'être fiers d'avoir été sélectionnés en compétition officielle!

«Il n'y a que 13 films retenus en compétition, section Young Cinema, sur 234 films soumis par 43 pays. Je ne sais pas comment votera le jury, qui est présidé par nul autre que Wim Wenders, mais côté public je ne suis pas inquiet.»
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Dernière mise à jour le 22 mars 2003.
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