Jean Leloup et une sale affaire bien ficelée
par Alain Brunet
dans La Presse, 1 septembre 1990
Critique

Leloup bosse encore dans son garage, il est à peaufiner un bel engin de chanson rock. Mieux que ça, l'artiste et ses mécanos ont bricolé quelques tubes potentiels. Leloup ne chante pas particulièrement bien, son groupe n'en est pas un de grand rock, mais c'est bon. Mieux que ça, l'imagination émanant de cette confrérie (La Sale Affaire) fait disparaître les doutes planant sur ses maigrichonnes performances de l'automne dernier.

Deux guitares (Alex Cochard et Yves Desrosiers), une basse (Patrick Pelenc), une batterie (François Lalonde), une choriste (Cocotte), des Français et des Québécois, un accent entre les deux cultures. Après des débuts laborieux, La Sale Affaire en a gagné en son, en riffs, en cohésion. Gageons qu'elle obtiendra beaucoup plus de succès que Leloup n'en a eu avec son premier album, le plus poli (et renié) Menteur. Supervisé par Toby Gendron, la réalisation de L'amour est sans pitié est le fait d'un travail d'équipe. Un bon petit son, du garage haut de gamme.

Les textes sont encore plus forts que leurs supports sonores. Au menu: délinquance légère, irrévérence post-pubère, fables hallucinogènes, escapades de nuit, baise de jour, filles de tout acabit. Leloup sait raconter les choses qui trottent dans sa caboche et qui gargouillent dans ses tripes. Dans Cookie, la plus rolling stonienne de ses chansons, l'artiste parle d'une poupoune de luxe qui sniffe à fond et qui crève au dernier couplet. Rock'n'roll et pauvreté est un petit rock très sixties, témoignant d'une écriture adolescente, imberbe; se balader toujours cassé, faire de petits délits, se considérer comme «un homme fini». Dans Isabelle, Leloup observe la femme insaisissable, celle qui glisse entre les mains de tous ses prétendants. L'amour est sans pitié, un des meilleurs crus de ce disque, un petit rock le sourire en coin, lou reedien, lousse comme il le faut, tout simple mais efficace au max. De quoi ça parle? «Dans mes textes, ça parle en crisse des femmes!», avait confié l'ami Leloup en entrevue. En v'la une autre: Nathalie, «dans le nez s'en est trop mis», dixit le chanteur. Encore une défoncée de ce bel imaginaire. Trois chansons en anglais figurent au menu: «J'avais alors une blonde qui aimait des textes en anglais. Je les lui ai écrites pour lui faire plaisir», justifiait Leloup. Aucun motif socio-ethno-politique, vous l'avez remarqué. Pas trop mal, mais pas au point. Cette fois, les notes l'emportent sur les mots. Dr. Jekyll and Mister Hide? Leloup la chante depuis déjà un moment. Sur un fond rock'a'billy pinponpinpon, le célèbre docteur se serait fait piquer ses fioles magiques par un village entier. Imaginez le résultat. Fantasmes cleptomanes? Antiquaire a été écrite après que Leloup eut lorgné vers une statue dans un magasin d'antiquaire abandonné. Il avait longtemps rêvé du vol de ce bouddha, mais lorsqu'il a décidé de mettre son plan à exécution, on avait vidé la boutique de son contenu. Pas de chance! Barcelone, c'est un peu le côté Jacques Dutronc du ménestrel. Inutile d'ajouter qu'on y rend compte des escapades du louveteau en Espagne. Pour crémer le tout, L'escargot est une fable délirante, à l'image de ce fou heureux qui les écrit.

Copié de Ainsi va la vie


page principale | articles: alphabétique | articles: chronologique | photos

Dernière mise à jour le 1 novembre 2001.
http://news.lecastel.org
Conception: SD