Jean Leloup tel quel
par Jean-Christophe Laurence
dans La Presse, 22 novembre 1998
Entrevue

Jean Leloup affirme pondre «12 000 chansons par année». Façon de dire que son stylo a la bougeotte et que sa cervelle fonctionne à plein régime. Façon d'expliquer aussi, pourquoi si peu de temps sépare Le Dôme des Fourmis son nouvel album à paraître mardi. Alors qu'il avait fallu patienter six longues années entre le tube de 1990 et Le Dôme, voilà que Johnny nous fait cadeau d'un semblant de disque live, deux ans à peine après sa galette précédente.

«J'aimais tellement mon band pis mes nouvelles tounes que je me suis dit Let's go, on tape, explique le chanteur. J'ai tout mis. Des bouts en spectacle, des trucs en studio. J'avais pas le goût de traîner ça pendant un an... après ça ne m'aurait plus tenté. C'est un disque comme les Anglais font. Tu te casses pas la tête. T'enregistres et tu mixes pour le pur plaisir de faire un disque. Tel quel. Ça pourrait être mieux, oui. Effectivement mais tant pis.. On fait de la musique pop pas de la musique symphonique.»

À l'image du touriste américain qui prend des termitières en photo sur la pochette (dans le coin gauche en bas... le cliché est une gracieuseté de Johnny lui-même), Les Fourmis est une sorte de polaroïd, l'instantané d'une période bien précise, qui s'est échelonnée entre la sortie du Dôme et aujourd'hui. Entre les deux, Leloup a donné des concerts, beaucoup de concerts, mais aussi et surtout, il a voyagé, guitare au dos. «J'ai sacré le camp, parti pendant deux mois», dit-il

Parti pour le Togo, là où il avait passé son enfance. Question de se ressourcer, de revoir les anciens voisins, les copains, Grand-Jean et tous ces gens pas revus depuis 30 ans. Question de jammer avec les Africains itou! «Quand je suis arrivé là, il y avait une panne d'électricité depuis deux mois. J'étais le seul qui avait une guitare acoustique... J'ai commencé à jouer dans la rue. J'avais une minute pour les faire tripper. Je me suis dit si je leur joue les chansons du Dôme ils vont s'endormir. I Lost my Baby c'était pas vraiment le meilleur truc pour me faire des amis. Alors, j'ai fait comme quand j'avais 14 ans. Inventer à mesure sur un groove simple....»

En moins d'une semaine, Leloup est devenu le hit local. Il a même eu son propre band, accompagné par les musiciens du brigadier Zimba, le reggae man de la place. Pendant une semaine, ils ont tourné de bled en bled dans un camion. La vie de star à la togolaise! «Des producteurs blancs sont même venus m'offrir des contrats de disque», s'esclaffe-t-il.

Cette aventure africaine, affirme Leloup, est directement responsable de l'esprit, de l'atitude «live» et de l'omniprésence du groove qu'on retrouve sur Les Fourmis. Enregistré à son retour, l'album conserve cette simplicité, la spontanéité de ses concerts au Togo. Certaines chansons comme Voyager ont d'ailleurs été composées là-bas, «sur le spot» comme il dit. D'autres étaient déjà plus anciennes. Le texte de Bertha avait été écrit «il y a un bail». Celui des Filles à Canon dormait dans les tiroirs depuis quelques années... Ne restait plus qu'à pondre les musiques.

Un disque parfait pour faire le ménage, ajoute le chanteur. Ce qui n'était pas le cas avec Le Dôme dit-il, un disque qu'il renie à moitié... Surtout, ne lui parlez plus de Johnny Go! Avec le recul, seules Edgar, Fashion Victim, Sang d'encre, La Chambre et Faire des enfants trouvent encore grâce à ses yeux. Ces deux dernières ont d'ailleurs été repiquées en concert pour Les Fourmis, question de faire un pont entre les deux albums...

Et la suite? Des projets de recueils de textes, de nouvelles sont en chantier échappe-t-il. «Publier mes paroles de chansons, on me l'a proposé. Je sais pas. Faudrait les taper à la machine... Pour moi ce serait une bonne méthode de classement!» Plus enthousiaste lorsqu'il parle de cinéma, Leloup évoque des possibles scénarios... il a des idées.

D'ici là, peu de grands projets côté rock («Peut-être faire un stretch en Europe...») mais on attend toujours cette fameuse nouvelle adaptée pour la télé annoncée depuis l'été dernier. Imaginez un pays fictif (le Kunderwald) le plus plat de tous les pays (encore plus que la Belgique!) avec une grosse montagne au milieu. Imaginez un héros expert-comptable et une population qui a le télémark comme sport national... Réalisé par Clodine Galipeau, le projet serait actuellement en montage. «Ça va être pas pire...» affirme Leloup. Et comment, foi de Kunderwaldien!

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Dernière mise à jour le 1 novembre 2001.
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