Plume, Leloup et Pagliaro au CEPSUM: du rock effrité
par Denis Lavoie
dans La Presse, 22 septembre 1990
Critique

Ne serait-ce de la finale assourdissante de Michel Pagliaro, le spectacle de la rentrée étudiante présenté au CEPSUM jeudi soir n'aurait eu de rock qu'un arrière-goût.

Le son était plutôt mauvais, sauf pour la finale avec Pagliaro, et les éclairages n'ont pris des couleurs que pour cette dernière prestation. Dans l'ensemble, on n'a pas assisté à un événement mémorable, mais plutôt à un show sans connivence, à la manière de ceux du Forum, routinier.

Même la prestation de Pag s'est brisée sur deux ballades, qui sont venues casser le rythme effréné de son rock débridé. Agrémenté d'arrangements instrumentaux, le spectacle du doyen du rock québécois surpassait amplement en son et lumière la courte apparition de Jean Leloup.

Jeune public, bien sûr, dont une bonne partie n'a pu assister à la finale de ce triple spectacle, vu l'heure tardive (en semaine, le transport en commun s'arrête tôt et certains jeunes devaient rentrer sur la Rive Sud (sic) et se priver de la finale du spectacle).

Débutant par une longue prestation de l'irrévérencieux Plume Latraverse, après plus de 45 minutes de retard, ce spectacle des «mauvais garçons» du rock québécois n'avait rien pour en faire le «spectacle de la décennie» comme on l'a présenté.

Finfinaud, jouant toujours bien les ivrognes intellos, Plume Latraverse a joyeusement ouvert le bal de ce programme triple où le vieux matériel allait s'avérer souvent mieux apprécié que le plus récent.

Ainsi Jean Leloup a-t-il bien fait danser les jeunes, mais sans s'attirer trop d'applaudissements. Volontairement (?) étouffée sous le vacarme musical, sa voix est demeurée incompréhensible. Passons.

Curieux, tout de même, cet engouement d'un public si jeune pour des vieilles tounes de Plume, comme Bobébine et Chambre à louer que les jeunes connaissent par coeur. Si j'ai eu des frissons de nostalgie pour une de ces chansons qui me ramenait 20 ans en arrière, c'est sûrement un autre courant qui a touché les jeunes étudiants qui ont rappelé Plume sur scène.

Le fantaisiste

Faut dire que le bonhomme joue bien les adolescents attardés et sait être un amuseur public très rock de tempérament. C'est là que s'arrête l'aspect rock de la prestation de Plume en trio, sans batterie et dans un style qui fait parfois assez folklorique pour justifier sa classsification dans ce genre musical par le jury de l'ADISQ. L'artiste n'a d'ailleurs pas manqué de signaler en spectacle cette curieuse méprise à son endroit.

Présentant la drogue comme «un accessoire de scène», ainsi qu'à son habitude, Plume Latraverse s'est montré davantage fantaisiste que rocker. La désinvolture dont il fait étalage n'a d'égal que son habileté à improviser. Chose certaine, avec Plume on ne s'ennuie pas et l'ambiance est toujours à la fête, sur le thème des chansons à boire et des «ciboire!».

Le révolté

Chapeau haut de forme, costume rutilant, guitares et batterie à l'accompagnement, Jean Leloup a encore trouvé le moyen de faire une bonne partie de sa courte prestation en anglais. Même allure follichone (sic), grands cris énervés, gestes brusques, grimaces.

La musique, toujours sur le même tempo, porte à danser. Quant au propos, il se perd dans la soupe musicale, c'en est désolant. Ça bouge, c'est viscéral.

Le survolté

Michel Pagliaro avait tout pour lui, y compris un excellent guitariste, Johnny De Villiers, son et éclairages travaillés. Le volume était au bout, il n'a pas eu à réclamer qu'on le hausse comme l'a fait Plume.

Les bons vieux rock comme J'entends frapper, (sic) passent toujours bien au côté du nouveau matériel de Pagliaro, alors que les ballades viennent briser le ton des tounes rock, tant celles-ci sont propulsées au plus puissant régime de la sono.

J'ai vu ces trois rockers dans de meilleures conditions auparavant, Jean Leloup m'ayant épaté au Café Campus (qui présentait l'événement avec l'association des étudiants de l'Université de Montréal) il y a un bon bout de temps, avant qu'il ne soit sur disque.

Et dans cette même salle du CEPSUM, je me souviens d'avoir vu, il y a bien des années, un Plume Latraverse drôlement plus électrisant et bluesé. Quant à Pagliaro, il n'était pas favorisé par son apparition tardive dans un spectacle qui avait démarré en fantaisie, puis s'était élancé mais pas longtemps avec Jean Leloup.

Il est surtout dommage qu'on n'ait pu profiter de l'occasion pour susciter des rencontres entre artistes comme cela se fait à l'occasion dans notre petit monde du spectacle.

Photos Robert Mailloux, La Presse: Plume Latraverse, Michel Pagliaro, Jean Leloup

Merci Alex!

MCC, LTC
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Dernière mise à jour le 6 mars 2005.
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