Un Jean Leloup déjanté à la place des Festivals
par Alain Brunet
dans La Presse, 27 juillet 2012
Critique

(Montréal) Ainsi, Jean Leloup a hurlé à la lune (voilée par les nuages) dans cette Nuit des confettis qu'il voulait mémorable, soit le «plus grand rassemblement de tous les temps pour un chanteur francophone en Amérique», pour reprendre son souhait immodéré, rendu public il y a quelques jours.

Ainsi, le Roi Ponpon a régné sur une place des Festivals remplie au delà de sa capacité d'accueil, débordant de toutes parts.

Ainsi, le festival Juste pour rire a invité hier le plus déjanté de nos quinquagénaires afin de commémorer son trentenaire.

Ainsi, une partie congrue de la foule a hué la présentation officielle de Gilbert Rozon, ce dernier ayant rétorqué en substance «s'il y en a qui ne sont pas d'accord avec mes positions, ils seront d'accord avec la venue de Jean Leloup». Les meubles étaient saufs, tonnerre d'applaudissements au pied de la grande scène et ses écrans géants - en fait, pas si géants... eh oui, l'expertise Juste pour rire n'a pas encore absorbé le grand spectacle rock.

Jean Leloup a alors investi la scène en criant de toutes ses entrailles, se préparant à balancer une présentation hallucinée de ses musiciens blanc et noirs et sa longiligne choriste: Virginia Tangvald, voix, Don Alain de Bergé, batterie, David Shalom-voodoo Mobio, claviers, Chef Patrice Agbokou, basse.

Isabelle, premier classique au programme, fut propulsé dans l'espace, opération bellement pilotée par le chanteur. La voix ensablée, le registre un tantinet réduit par la surchauffe précoce de son organisme, Leloup était quand même parti pour une grande épopée.

Ainsi va la vie qui va! C'est du moins ce qu'en disait l'auteur de Nathalie, avant d'enchaîner les riffs de guitare entre les refrains et les ponts de Cookie. Puis Faire des enfants, puis essayer sa guitare double neck pour finalement revenir à la Fender. Faire Think About You et faire la plongée stonienne: à boire à boire pour maître Edgar!

On le voit tricoter un petit solo jubilatoire devant ses fans encore calmes, qui commenceront s'exciter d'aplomb au chorus d'un Paradis perdu introduit par une digression... d'enfer! Fait remarquable de cette Nuit des confettis, cette manière qu'a Leloup de persiller ses chansons de compléments poétiques pour la plupart éloquents, paroxystiques, souvent improvisés avec le talent qu'on lui connaît.

Les mains se mettent à taper, les corps se mettent à sauter sur le refrain de La vie est laide. Leloup entreprend le récit de délinquants amoureux s'étant connus durant la grève étudiante (comme de raison!) avant d'être maîtrisés par les forces de l'ordre et séjourner en taule - autre variation de La plus belle fille de la prison dont Leloup aura gueulé les rimes les plus évocatrices.

La cinquième vitesse est passée, Le monde est à pleurer, Les Fourmis repris par un public définitivement conquis, L'amour est sans pitié, le Dôme...

L'affaire était ketchup pour notre Jean Leloup, en route vers La Vallée des réputations et Les Moments Parfaits, sur un high qui l'aura porté bien haut dans un ciel clément. Il aurait plu des cordes, des grenouilles, des sauterelles ou des confettis, ç'aurait été pareil: toutes les générations de francophones d'Amérique vouent un respect on ne peut mieux justifié à Jean Leclerc, John The Wolf, Johnny Welltipper, Roi Ponpon, somme toute Jean Leloup. Jeudi soir, tous ces Montréalais de tous âges n'y faisaient certes pas exception.

Quelles que fussent ses frasques, abus, dépendances, égarements, périodes de paresse, quêtes du Graal, descentes aux enfers, dérapes professionnelle, grandes illuminations et autres fréquentations entre deux pôles, l'animal a toujours su alimenter son mythe et rebondir au moment opportun. En voilà une autre illustration: cette fois, avec un show de masse, «récital classique» et rétrospectif, à la mesure du personnage. À sa démesure, pour être précis.

La liste des chansons au programme
Isabelle
Nathalie
Cookie
Faire des enfants
Think About You
Edgar
Paradis perdu
La vie est laide
La plus belle fille de la prison
Sang d'encre
Johnny Go
La chambre
Le monde est à pleurer
Les fourmis
L'amour est sans pitié
Le Dôme
Je joue de la guitare
Voyager
Je suis parti
La Vallée des réputations
The Wheel
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Les moments parfaits
Horrible Fool
Dead Birds

Photo Robert Skinner, La Presse. Le festival Juste pour rire a invité hier le plus déjanté de nos quinquagénaires afin de commémorer son trentenaire.
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Dernière mise à jour le 30 juillet 2012.
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