Fin de course pour Leloup et Arthur H.
par Philippe Renaud
dans La Presse, 30 août 2001
Article

Ma foi, aurions-nous trop fêté samedi soir dernier?

Stefie Shock, qui a livré un énergique concert en plein air avec invités spéciaux (Marc Déry, Ex-Aequo, Martine St-Clair), aurait-il épuisé les festivaliers? Hier, comme lors d'un lendemain de veille (ou une veille de lundi...), l'endroit était loin d'être bondé, malgré une température des plus agréables. Seul endroit affichant complet: la tente karaoke! Pourtant, plusieurs concerts méritaient qu'on s'y attarde. Allons-y voir.

En salle toutefois, trois concerts ont affiché complet, dont deux que l'on se devait de surveiller avec attention: d'abord la supplémentaire de Jean Leloup, au Métropolis, puis la fin de parcours du marathonien de ces FrancoFolies, Arthur H., au Club Soda.

Les échos du premier concert de Leloup -toujours avec Stefie Shock en première partie-, n'étaient pas reluisants: d'humeur difficile, Leloup aurait donné un concert très ordinaire. Mais hier soir, nous l'avons entendu dans une forme recouvrée. L'ambiance était survoltée, le plancher de danse -comblé de francofous-tressaillait sous les semelles des fans.

Dans une formule électrifiée, rythmiquement angulaire, rigidement rock, Leloup a fait un jukebox de lui-même en servant de longs jams de ses succès, parfois imbriqués l'un après l'autre, pour un effet maximal. Des arrangements parfois inédits, enjolivés par le nouveau claviériste qui ne se gênait pas pour occuper de l'espace sonore. Tous les hits de ses albums y sont passés, et nous avons dansé dans la chaleur moite du Métropolis. Y'a pas un spectacle de Leloup qui résiste aux lendemains de veille!

Deux heures plus tôt, dans un Club Soda à rempli à craquer, Arthur H. «bachibouzoukait», comme il l'a dit, avec les Montréalais. Quatre cuivres enrobaient les chansons du chanteur, toujours accompagné de son contrebassiste, son guitariste et son batteur.

À l'image de Leloup, Arthur H. a revisité sa discographie, avec pour résultat un spectacle présentant toutes les dimensions de son imaginaire musical. Il jugeait insultant qu'on présente son spectacle comme étant surréaliste puisque toutes les histoires, comme celle de la chanson Général de Gaulle (tirée du premier album), étaient «strictement authentiques».

Cette chanson, justement, a captivé l'auditoire. Quittant son piano, peu après avoir joliment rendu (en trio) la pièce Alcool, de Gainsbourg («Les oreilles décollées du XXe siècle. Moi, je suis du XXIe!»), Arthur H. nous a narré ce long et délectable délire. Elle fut suivie de la feutrée Indiana, jouée à quatre musiciens.

Assurant à chaque soirée, Arthur H. a définitivement conforté sa position de musicien de la chanson française le plus éclaté, le plus sensible aux tendances et aux mouvements esthétiques de la musique -fallait entendre www.com, tirée de Madame X, avec son breakbeat ponctué qui a fait grimper la tension. On ira le retrouver en prolongation mercredi soir, à la vieille taverne rebaptisée Shag, où se tiennent les soirées DJ.

Les Respectables et Maurane

Dans leur case horaire -celle de 19h, au Spectrum- Les Respectables ont attiré la foule la plus imposante, signe de leur succès auprès du public. Celui-ci aura vu juste: les Respectables ont totalement emballé les fans avec un rock solide et plus qu'honnête.

Certes, ils ont parfois tendance à se prendre pour le plus important groupe de la planète: les manies et les poses du guitariste Pascal Dufour, l'attitude du chanteur Sébastien Plante (revêtu d'une camisole Union Jack)... Un peu agaçant, mais pardonnable: les Respectables ont livré la marchandise avec aplomb, et le public embarque dans leur trip.

Soulignons la brève apparition du respecté rockeur Michel Pagliaro, pour une Louise bien sentie. Question d'annoncer la tournée conjointe de Pag et des Respect's, les Francos sur la route, en mars 2002. On s'en reparle.

L'ambiance était toute autre à la salle Wilfrid-Pelletier, où Maurane se produisait devant un auditoire qui emplissait tout juste la moitié de la salle. Un peu morne, l'ambiance. Mauvais calcul: tant qu'à la faire revenir, et puisque son public, visiblement assidu, la suivra, autant remplir un Spectrum que garder des rangées de parterre désertes à la Place des Arts.

Et tant qu'à faire, une formule cabaret -la chanteuse accompagnée d'un pianiste seul- aurait été plus efficace. Le groupe qui l'accompagnait semblait sortir des années 80, avec ses arrangements démodés et une énergie discutable. Mais rassurez-vous, la voix grave et essoufflée y était toujours.

Scènes extérieures

À la belle étoile, deux concerts auront retenu mon attention: ceux des Chiens, à la Zone Hip, et de Fakhass Siko, au parc Hydro-Québec.

Le quatuor Les Chiens a laissé planer ses belles chansons, qu'on retrouve sur La Nuit dérobée, son dernier et excellent disque, dans l'air tiède de ce début de soirée. Trop peu de monde ont pu découvrir son univers urbain, poétique et langoureux. De vous à moi, c'est peut-être aussi bien comme ça: Les Chiens ne sont pas tout à fait un groupe pour allumer un party, surtout sur une scène extérieure. Plutôt le genre de formation aux guitares léchées qui se délecte en salle, dans des conditions optimales. Vous les avez manqués? Promettez alors de les rattraper la prochaine fois qu'ils se produiront dans un bar ou une salle.

Un dernier mot sur la formation des frères Diouf: tout un spectacle, énergique à souhait, percussif, joyeux. Le public, nombreux, ne pouvait s'empêcher de taper du pied. La kora qui s'échappe sur les percussions et les voix des deux Sénégalais, les rythmes traditionnels qui se choquent contre ceux plus pop de la batterie. Un cours de musique africaine 101 auquel tout le monde réussit l'examen. À revoir.

Photo: BERNARD BRAULT, La Presse
C'est un Jean Leloup dans une forme recouvrée qui s'est présenté hier en supplémentaire au Métropolis. L'ambiance était survoltée, le plancher de danse -comblé de francofous-tressaillait sous les semelles des fans.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 5 août 2001.
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