Jamais trop tard, Johnny Guitar!
par Laura Martin
dans La Tribune, 7 novembre 2009
Entrevue

Vous ne verrez pas Jean Leloup, dans le froid de canard avec sa veste en poil (oui, oui, celle de l'Adisq), faire la file indienne devant un centre commercial moribond pour se faire injecter un vaccin. Même si le lundi matin où on l'a retenu vingt minutes à un téléphone fixe, il craignait qu'un de ses musiciens ait contracté la grippe maudite, il n'était pas question qu'une aiguille fasse friser une armure liquide dans son biceps.

«Moi, j'ai des anticorps, ma fille! lance-t-il. Je me suis déjà coupé la main jusqu'à l'os. Il en est tombé une grosse goutte par terre. Puis une deuxième, qui a séché là, sur la plaie. Le fait de ne pas faire de compromis, ça renforce le système immunitaire.»

Dans ce cas, le Leclerc, il doit avoir une santé de fer que n'atteignent pas les virus aviaires.

Le chanteur n'a effectivement pas assis sa carrière sur les désirs majoritaires. Quand il a décidé de suicider son alter ego il y a cinq ans, décidant du coup de tirer un tiret sur la scène pour le restant de ses jours, ce n'était pour plaire à personne d'autre qu'à lui-même. «Ça ne me tentait plus de faire de la musique. Il y a un truc qui me déplaisait, j'avais l'impression que ça devenait une job. Six mois plus tard, tu fais ta vie, tranquillement, tu écris des tounes, et ça s'enchaîne. Je n'ai jamais décidé de revenir. Ça m'est arrivé.»

Le premier retour du Roi Pompon s'est fait l'an passé, dans un controversé pow-wow au Colisée de Québec, où, en raison de douleurs aux oreilles, il aurait pété les plombs et transformé sa prestation en désastre. Mille Excuses Milady, son septième album original vendu plus de 40 000 fois depuis le printemps, se voulait une forme de mea culpa. «Tout ce que je fais prend des proportions démesurées. C'est plate en chien la polémique que ça a créée. Parce que mon public est capable d'en prendre. Aimes-tu mieux te faire téter ou te faire rocker quand tu vas voir un show?» demande le chanteur, plus discipliné en entrevue que ce que la journaliste redoutait.

Fraîchement récompensé du Félix de l'album rock au récent gala, il entame la tournée de sa résurrection, intitulée Il est trop tard Johnny Guitar, au Théâtre Granada ce soir. «Ce n'est pas une tournée, non. C'est une série de shows. Ce n'est pas la grosse patente, là. Je fais seulement les salles que j'aime.»

Avec trois musiciens (deux Mexicains et un Cubain), il replace la musique au centre de son affaire. Pas de costumes de grand chef indien, pas de concept mystique comme au 400e. « Les musiciens sonnent comme une grosse montagne, mais on ne veut pas en faire trop non plus. Je préfère l’attitude au bruit, comme Ben Harper, comme Sinatra. Faire trop de bruit, c’est aussi pire que quelqu’un qui est tout le temps en train de faire des farces. C’est fatigant. Le spectacle est épuré. J’ai envie d’être avec le monde, pas de raconter mes histoires en tenant compte des cues d’éclairages, en pensant à mes punchs. Plus c’est léger, plus ça vire vite. Comme le motocross. »

Il tapera sa piste d’accélération avec les chansons de son plus récent disque, dont La plus belle fille de la prison, nommée parmi les meilleures chansons de l’année. Il fera aussi des anciens succès. Pas tous. « Il y a deux sortes de succès: ceux qui ont promotionnés à fond, tournés partout à la radio. Et les autres. Les vieilles tounes que les fans ont connu sur les albums, et pas dans les médias, comme Sang d’encre. J’ai compris, en arrêtant de faire de la scène, que refaire celles de la première catégorie ne me tentait plus. »

Photo La Presse, David Boily.
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Dernière mise à jour le 9 novembre 2009.
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