Gala de l'ADISQ: Notre-Dame de Paris et Leloup se partagent les bonbons
par Sylvain Cormier
dans Le Devoir, 1 novembre 1999
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Hier soir, c'était la fois l'Halloween et le 21e Gala de l'Association du disques et du spectacle au Québec. Coincidence? Que non. C'était arrangé avec le Guy Cloutier des vues: la soirée avait lieu pour la deuxième fois dans son Capitole, et sa fille Véronique y avait pour rôle de faire fureur, pour ne pas dire La Fureur, en tant qu'animatrice de choc: l'Halloween allait servir d'ambiance à l'émission de Radio-Canada.

Hélas, en guise de couleur, la jeune femme n'a réussi qu'à se peindre dans les coins. Devant le mauvais public, celui de l'industrie (au lieu du public nettement plus enthousiaste des fans, confiné au Cabaret du Capitole), l'habituelle meneuse de claque ne claquait que du vent. Du concept raté de la jasette par cellulaire avec grand-maman aux présentations malaisées, elle semblait constamment décontenancée par le contexte. La pauvre, même les micros lui auront fait défaut.

Cela dit, la distribution des bonbons a néanmoins eu lieu. Il fallait un sac avec un fond solide: les Félix, ça pèse. Et cinq encore! Luc Plamondon a dûment rempli sa besace, l'opéra-pop Notre-Dame de Paris récoltant les Félix dévolus aux albums de l'année dans les catégories «populaire» et «meilleur vendeur», la statuette du spectacle de l'année, rayon interprète, ainsi que le trophée célébrant l'artiste québécois s'étant le plus illustré hors Québec et celui de la chanson de l'année, par vote populaire, pour Le Temps des cathédrales, partagé avec Bruno Pelletier. S'ajoutaient ce lot déjà massif le Félix obtenu par le chanteur Garou dans la catégorie très convoitée de la «révélation de l'année» et celui, reçu lors du gala hors d'ondes de la semaine dernière au Spectrum, par Gilles Maheu pour la mise en scène du méga-succès.

Plamondon, évidemment, n'a pas manqué en cinq montées sur scène de remercier avec l'emphase la plus ironique l'acolyte Richard Cocciante («j'aurais aimé partager le spotlight avec lui ce soir...», a-t-il dit en allusion aux lamentations du compère), ni de faire remarquer plusieurs reprises qu'en dépit de tous ses Félix, il n'avait pas gagné le bibelot de l'auteur ou compositeur de l'année que décerne la SOCAN (c'est Jean Leloup qui l'a eu). L'amertume dans le triomphe, Plamondon l'aura justifiè à la toute fin: «J'ai bu trop de champagne...», a-t-il avoué l'assemblée.

In abstentia, c'était aussi la soirée Jean Leloup: en plus des deux babioles déjà empochées au gala hors d'ondes pour le vidéoclip de la chanson La Vie est laide et la réalisation de l'album Les Fourmis (en compagnie de Jean Massicotte et Denis Wolff), Leloup a complété la totale avec les Félix du spectacle de l'année (auteur-compositeur-interprète) et de l'album rock de l'année, encore et toujours pour Les Fourmis. Remarquable ratissage: en voilà un qui a loupé l'occasion d'avoir sa photo la une des journaux. Toute la place, décidément, était laissée à Plamondon.

Outre ceux-là, l'ADISQ, pas chiche, a donné toutes les vedettes majeures de quoi se mettre du sucré sous la dent. Au vote populaire, Isabelle Boulay et Bruno Pelletier ont été confirmés interprètes de l'année, les Colocs proclamés groupe de l'année, et l'album Grand parleur, petit faiseur de Kevin Parent bombardé album pop/rock de l'année. Et c'était au tour de la catégorie «album de l'année - hip hop» de se voir ouvrir la seule fenêtre télévisuelle parmi les genres dits périphériques: le groupe Dubmatique a été l'heureux élu. En humour, l'album Yvon Deschamps au Manoir Rouville-Campbell a été primé, alors que Pierre Légaré montait au podium pour son spectacle Rien. Deschamps, en verve, a piqué une chouette crise, le temps de dénoncer la nomination de l'album de Normand L'Amour dans la catégorie humour: «C'est une insulte pour lui, parce que lui, il fait pas ça pour rire!» Plus tard, Légaré a rendu au même Yvon le plus vibrant hommage.

Rayon hommages, Lara Fabian écartelant Frédéric a bien failli gâcher complètement celui que l'on rendait à la carrière et aux chansons de Claude Léveillée: la très grande qualité émotionnelle de son laïus d'acceptation, véritable aveu d'amour donné dans un parfait silence, a fait oublier les grotesques excès de la chanteuse. On n'était pas non plus très impressionné par le numéro d'intro de la soirée: si l'idée de faire chanter les dix «chansons de l'année» par leurs interprètes originaux n'tait pas mauvaise en soi, l'absence des Leloup, Roch Voisine et Kevin Parent (pourtant présent dans la salle) a entièrement saboté l'effet.

Pas plus convaincante, la mise en scène entourant Mon ange, ballade d'Éric Lapointe, un show de boucane avec une choriste s'élevant au ciel, étouffait d'artificialité. Bien plus simple et bien plus réussi était le rassemblement des nouveaux visages autour de Michel Rivard, lui au piano donnant le ton avec sa magnifique Ça reste dans la famille, puis les Sao, Lilison Di Kinara, Mara Tremblay et Nodéjà s'ajoutant jusqu' constituer un formidable choeur. Le p'tit show de club du sympathique Garou - tout autant révélation de l'anne que du gala - était pareillement terre-à-terre: il a tout bonnement et efficacement aligné Comme un million de gens, Ordinaire, Je chante comme un coyote, Ce soir on danse à Naziland et Les Bombes, avec le plus évident et contagieux plaisir. Pendant cinq minutes, on se serait cru un bon soir au Spectrum, n'en déplaise à Guy Cloutier, son Capitole, sa fille et ses figurants d'Halloween.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 7 août 2000.
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