Quand Tarantino imite Lelouch... ou l'inverse
par André Lavoie
dans Le Devoir, 23 avril 2005
Critique

Réalisation et scénario: Clermont Jolicoeur et David Gilmore. Avec Clermont Jolicoeur, David Gilmore, Jacynthe René, Jean Leclerc. Image: Jean-Charles Rivard. Montage: Tristan Dubois. Musique: Chafiik, Luck Mervil. Québec, 2004, 87 min.

La divulgation, à des fins promotionnelles, du montant du budget de production d'un film apparaît toujours suspecte. Exorbitant, il devient le gage que le spectateur en aura pour son argent; rachitique, il ressemble à un appel à l'indulgence, au cessez-le-feu critique: pardonnez nos maladresses, ce n'est pas le talent qui manque, ce sont les moyens... Sachant que Bonzaïon, de Clermont Jolicoeur et David Gilmore, a coûté 10 000 $, faut-il pour autant baisser la garde? Et jusqu'à preuve du contraire, la pire des pauvretés au cinéma demeure celle des idées...

Des idées, Clermont Jolicoeur et David Gilmore en ont à revendre et les répandent avec une générosité, pour ne pas dire une furie, qui ne peut qu'étourdir le spectateur. Mais c'est la beauté de la chose, celui-ci n'a pas de mal à croire que ce qu'il voit s'est d'abord fabriqué dans l'enthousiasme, pas dans l'opulence. Certes, cette énergie déferlante n'est pas toujours bien canalisée dans ce thriller «tarantinesque», reproduisant l'humour (parfois) et la perversité (à peine) du réalisateur de Kill Bill.

En frayant dans ces eaux troubles, on croise des truands sans envergure, des femmes fatales au décolleté plongeant et de beaux salauds qui se prennent pour le nombril du monde, prenant aussi leurs combines pour l'arnaque du siècle. Objets fétiches dans tous ces thrillers d'occasion, quelques substances illicites et pas mal de gros billets circulent parmi les personnages (nombreux, colorés, certains aux limites de l'absurde et d'autres du cabotinage, la palme revenant à celui incarné par Carl Béchard).

Olivier (Clermont Jolicoeur) cherche à délivrer des mains d'un sorcier une femme qu'il n'a pas vue depuis cinq ans et Claude (David Gilmore), son ami d'enfance, masseur surnommé l'Étalon, rêve de conquérir le coeur d'une chanteuse, Rosalie (Jacynthe René). Or, comme dans le plus excentrique des Lelouch, la plantation de marijuana qu'ils fauchent pour obtenir l'argent de la rançon appartient au père d'Olivier et est destinée au gérant, et amant, de Rosalie. Et ce ne sont que quelques-uns des hasards et coïncidences qui tapissent ce film brouillon et joyeusement fauché, où défile la moitié du bottin de l'UDA, et assurément tous les amis des deux réalisateurs.

Même si l'on a déjà vu démarche cinématographique plus convaincante, et surtout plus originale, Bonzaïon a le mérite d'éviter la position prétentieuse de l'auteurisme à tout crin. Jolicoeur et Gilmore sont conscients de leurs limites, budgétaires comme artistiques. Ils se sont lancés sur les routes du Québec, dans ses recoins boisés, pour aboutir à cette aventure peut-être sans lendemain mais procurant quelques instants réjouissants.

En début de programme, ne ratez pas Les Derniers Jours, de Simon-Olivier Fecteau. Autant Bonzaïon est bavard, autant ce délicieux petit court métrage trace, sans une ligne de dialogue et avec beaucoup d'humour, le bilan d'une vie pas très bien remplie.
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Dernière mise à jour le 25 août 2005.
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