Jean Leloup au Métropolis - Gros groupe, grand Leloup
par Bernard Lamarche
dans LeDevoir.com, 28 juillet 2003
Critique

Fascinant ce Jean Leloup. Il lance un album, La Vallée des réputations, dans lequel il joue la carte de l'intime, sans broncher. Le pas suivant, John The Wolf retourne sur scène et, beding bedang!, il nous la fait à la sauce big band. C'est à étourdir. Vendredi soir, aussi, au Métropolis, Leloup a justement été cela, étourdissant.

Le Vertige, avec un grand «v». Celui d'un Leloup princier, cape sur le dos, arrivant sur la scène alors que son big band ouvrait déjà la marche. Derrière, la bonne étoile de Leloup, une immense étoile tout illuminée. Dès les premières secondes, on avait compris que Leloup était bien luné. Le grand spectacle pouvait commencer, les quatre superbes dames aux choeurs chantaient déjà des notes arabisantes. Derrière, un grand drapé de (faux ?) velours complétait le décor.

Le début de concert allait se faire sous le signe de la générosité. Déjà, on avait jaugé le big band en question. Un vrai. Pas de la frime. Quatre choristes, certes, mais aussi quatre cuivres, pour donner de la drive, mais aussi une profondeur toute en groove, celle que les trois musiciens black rendaient aux claviers, à la batterie et à une basse qui malheureusement ne sortait pas assez fort en salle. The Wolf, lui, s'occupait de la guitare, passant de la rythmique aux solos déjantés et inspirés. Du grand loup.

À Berta qui débutait le spectacle, puissante de sa jouissance de la bouffe, répondait un Edgar épris de produits éthyliques. Et le groupe étirait à ce point les chansons, qu'au début, à cette cadence, on se disait qu'on aurait la chance de n'entendre que deux ou trois pièces avant d'avoir à rentrer pour faire plaisir au patron en respectant l'heure de tombée.

L'étirement, celui du pur plaisir, demeurait nerveux, serré, propice à la fête, celle de la musique. Tant et tellement que l'on se serait cru, le temps de quelques mesures bien inspirées, dans l'autre festival, celui dont le nom se termine par un double «z».

Et Leloup de faire ce qu'il voulait avec sa bergerie. Plus vite, moins fort, mettez les gaz, semblait-il dire d'une gestuelle adressée à ses vaillants musiciens. Sur Faire des enfants, les back vocals y allaient d'une ligne parfaitement r'n'b, pendant que Leloup disait à sa compagne d'attendre avant de «faire des petits bébés». Tellement sexy qu'on aurait fait des petits bébés n'importe quand.

Avant d'envoyer Think About You avec une belle vitalité, le prince lançait à la foule «vous ne me ferez pas croire que vous êtes venus ici pour la poésie !». Le temps d'une chanson, le rock'n'roll prenait le dessus. Après L'Antiquaire, Leloup y est allé de Décadence (que tous semblaient connaître par coeur !), qu'il a mixé tout de go avec Je joue de la guitare, sans avertir (pas même ses musiciens, semblait-il). Et si Le monde est à pleurer, rien n'y paraissait hier, tellement la fête était prise, et bien prise.

Quelques minutes avant l'entracte, tout juste après Barcelone, le voyage se poursuivait à Alger (un peu garrochée, cependant). Là, on a compris que Leloup menait la barque, seul maître à bord. Non seulement le morceau n'était-il pas prévu sur les listes qu'on remettait aux journalistes à l'entrée, mais même ses choristes semblaient surprises de le voir enchaîner aussi vite. Leloup avait un plaisir fou. Nous aussi.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 3 août 2003.
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