C'est mon entrevue à moi, c'est ton entrevue à toi : 5 minutes dans l'univers éclaté de Jean Leloup
par Jesse Robichaud
dans Le Front, 10 septembre 2003
Entrevue

J'avoue que lorsque j'ai su que j'allais interviewer Jean Leloup, juste avant qu'il monte sur scène pour jouer son concert acoustique samedi soir, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Les histoires de star égocentrique ou de maniaque capricieux surgissaient de partout, surtout depuis sa prestation controversée à Caraquet au début du mois d'août. Cependant, c'est un Jean Leloup franc, perfectionniste et sympathique qui s'est présenté. J'ai appris qu'il veut être à la hauteur de lui-même chaque soir et qu'il est très exigeant envers la qualité de ses performances. D'ailleurs, le sérieux avec lequel il approche la scène ajoute parfois un peu de tension sur scène entre lui et ses musiciens. Finalement, j'ai remarqué que son processus de pensée est aussi décousu, brillant et éclaté que sa musique. Somme toute, c'est du Jean Leloup typique.

JR - Hier soir, tu as dit que tu voulais faire «tripper» ton public… as-tu réussi? Es-tu satisfait du show?

JL - Oui, oui, finalement, c'est une salle qui est difficile l'Osmose, mais une bonne salle, tu sais? C'est une salle bien bien rock'n roll. Quand j'ai rentré, tout le monde était saoul pas mal, ça fait que là il fallait que je groove là dedans, il fallait que je trouve le moyen.

Pis en fait il faut que j'admettes quelque chose. Hier ...(pause) le «drummer» était stressé un peu, mais il m'a dit que c'était de ma faute. Là, on s'est engueulé là-dessus, la vérité c'est que c'est peut-être de ma faute, c'est peut-être la faute du «drummer». Finalement, on était stressé un peu donc le premier set, on a plus ou moins bien joué. Ce serait la raison pour laquelle c'était difficile d'embarquer le monde, parce que dans une salle assez difficile, donc "rock and roll", il faut que tu sois vraiment écoeurant. Le premier set hier on n'était pas écoeurant, mais vraiment pas écoeurant. Le deuxième set, après qu'on s'est engueuler dans les loges, on a réussi à être vraiment pas pire, pis à la fin, deux, trois bouts, on a réussi à être écoeurant, tu sais, comme vraiment ÉCOEURANT!

Parce qu'on est obligé d'être écoeurant nous-autres, parce que nous sommes les rois (rires). C'est «tough» man, il faut que tu «tough» la «run», c'est un métier «tough» man. Hier... c'était bien... ça fait que hier je me demandais ce qui se passait. Mais finalement le son était très difficile à «setter» au début, donc c'est pour ça que le monde avait un peu de difficulté à embarquer. Un peu la même chose est arrivé à Caraquet, on avait de la difficulté avec le son au début, donc les gens, à un moment donné, se trouvent dans un autre «mood». Mais tu sais, ça s'appelle le "rock and roll" et ce n'est pas pour rien, c'est du "rock and roll".

Après ça quand j'ai débarqué hier, ils m'ont dit : «on a refusé beaucoup de monde, ce serait cool si on faisait un autre show». Pis j'ai dit ahh, ok, je vais jouer un autre show avec ma guitare. Mais tantôt je me suis dit, ahhh, comment ça se fait que j'ai accepté de faire ça, man, parce que c'est trop «tough» man, j'suis bien trop nerveux. Ahhh, vie de fou man. Je veux abandonner le métier à chaque fois que je fais un show, c'est bien trop difficile.

JR - Préfères-tu jouer avec ton band ou en solo avec ta guitare?

JL - Ça dépend man, comme à soir je crois que ça va être difficile. Mais aussi c'est pas facile avec un «band» quand c'est de la misère à faire sonner. J'en reviens pas... il y a des bons moments et il y a des moments moyens. Si je voulais être «bullshitteur», je te dirais «oh, ça va toujours bien». Pour ne pas être «bullshitteur», pour être vraiment honnête là, hier il y a des tounes que je te jure... j'ai jamais fait ces tounes-là aussi bien de ma vie.

JR - Ahh oui?

JL - Oui. Les étoiles j'ai jamais autant réussi, la ballade à Toronto c'est la meilleure fois de ma vie que je la joue hier. Par contre, ça fait qu'il y a d'autres tounes, je les ai jamais jouées aussi mal que hier, honnêtement là. Mais il y a des tounes que je n'ai jamais aussi bien jouées, laquelle que j'ai bien joué? Il y en a qu'on a bien joué!

JR - ...

JL - Mais sinon, des fois à la guitare je suis hot, mais des fois j'suis pas. Je crois que je vais essayer d'être hot à soir. Mais... c'est «tough», moi je trouve ça «tough», il parait que des fois je réussis à être hot pareil, le monde dit ça, mais des fois je ne réussis pas à être si hot que ça.

JR - À quoi t'attends-tu de ton public lors de ton show et à quoi devrait-il s'attendre?

JL - La vérité là, c'est quand le public a de la misère à embarquer, c'est parce que c'est de notre faute. C'est sûr que généralement, par exemple, si le public a de la misère à être attentif, c'est parce que ça sonne mal ou on joue mal. Et, généralement quand on joue mal, ça sonne mal, quand ça sonne mal, on joue mal. Donc je peux dire que hier, j'ai vraiment engueulé mon «band» pour qu'on essaye de jouer mieux, vue que c'était difficile à faire sonner. Ça fait qu'on s'est engueulés pis après c'était meilleur. Mais effectivement, c'est jamais le public. Le public à Moncton est super cool.

Pas de la faute des «fans»

Les fans était embarqués, ils étaient full hyper, hier je me suis trompé , hier j'ai blâmé la foule, mais c'était pas eux. Le monde était juste très hyper, mais nous autres on n'arrivait pas à atteindre ça avec la musique. Tantôt j'ai fait le soundcheck et ça m'a pris 45 minutes pour faire sonner une voix et une guitare. Il y a des salles comme ça. Le Métropolis à Montréal est épouvantable à faire sonner man, mais quand tu réussis, tu réussis. On fait des soundcheck de 3 heures là et même à ça, on rate toujours notre premier soir.

La frustration et le perfectionnisme d'un artiste.

Moi le premier soir au Métropolis j'ai manqué battre... je te jure j'ai manqué swinger ma guitare dans la face des musiciens. J'ai manqué partir avec ma guitare et swinger le drummer avec, j'ai manqué, je te jure là...c'était à un cheveux, je te jure, que je swing ma fucking drum avec ma... ma guitare. C'est vrai là!

Hier on a réussi quelques morceaux parfaitement, on a donné une bonne performance, genre on a bien joué dans les coins, je te parle comme au hockey. En général la «band» avait un peu de misère a bien jouer ensemble parce qu'on s'entendait plus ou moins à cause du son dans la salle. Et là, au lieu de réagir tout de suite intelligemment, je commençais à parler au public. Mais remarque que c'était le fun.

Moi mon job c'est de réussir à m'adapter vite au son, pour être tellement hot que je réussis à trouver la solution; hier, je ne l'ai pas trouvé, et c'est de ma faute. La solution aurait été de jouer beaucoup moins de notes, mais les gars avaient de la misère à se dompter.

Hier (vendredi), j'ai dit aux musiciens : la section rythmique et moi on a été moins bons que les «horns» et les filles, de ce coup-là c'est eux autres qui ont gagné. Mais la dernière fois qu'on a joué, c'est nous qui avons gagné et les filles faussaient, honnêtement.

JR - Comment as-tu aimé ton séjour en Acadie?

JL - Moi j'aime beaucoup les Acadiens, j'ai fait une panne de van après le 15 août donc ça m'a fait rester un peu plus longtemps. J'ai rencontrer plein de monde le fun, pis là on aimerait faire un film ici. On veut faire plein d'affaires, parce que c'est vraiment le fun ici, c'est vraiment «trippant». Moi j'aime bien le paysage : le bord de la mer et surtout la Baie de Fundy. J'ai eu du fun le 15 août... c'est intéressant, il y a une collectivité francophone ici qui a bien du fun et qui fait sa vie.

JR - Un retour?

JL - Moi je vais toujours revenir, là c'est décidé j'aime ça ici. Mais juste comme chum. J'espère juste que les gens de Moncton ne vont pas trop m'en vouloir pour les avoir chicané pour avoir parlé pendant que je chantais. Mais remarque que je dois admettre que c'était de ma faute, je ne réussissais pas à ne pas être «messy».?

(Article original)


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Dernière mise à jour le 24 septembre 2003.
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