Et si Leloup m'était conté...
par Valérie Lesage
dans Le Soleil, 25 avril 2009
Critique

Mille excuses Milady, c'est peut-être pour la reine d'Angleterre dans une chanson de Jean Leloup, mais si c'est devenu le titre de son album à paraître mardi, c'est parce qu'il a décidé de s'excuser à son public, pour de vrai cette fois. Si vous doutiez de la sincérité de ses excuses quand il est passé à Québec en septembre après avoir été hué au Colisée et critiqué dans les journaux pour avoir engueulé son public, je vous jure que cette fois, vos doutes vont se taire.

Si vous prenez le temps de lire les 16 pages d'explications dans le livret qui accompagne son disque, vous serez bouleversés.

Jean Leloup baisse les masques, il n'est plus un personnage, juste un humain. Un humain qui souffre. De maladies mentales: bipolarité et déficit d'attention. Un humain qui boit pour noyer sa peur. Et sa honte. Un humain qui se construit un ego puissant pour écraser sa peur. Qui fume pour calmer ses angoisses. Qui cesse souvent de chanter parce que les sons mi-aigus le font hurler de douleur. Qui pète les plombs et qui doit se faire oublier. Et qui demande votre aide pour que ça n'arrive plus.

Je n'avais rien lu de tout ça quand j'ai rencontré Jean Leloup à Montréal le 16 avril. Je n'avais eu accès qu'à un lien Internet pour entendre ses chansons, dont certaines me semblaient être marquées par la blessure du retour raté. Le vrai disque est arrivé sur mon bureau mercredi dernier et j'ai versé mes larmes dessus en lisant le texte.

Je n'ai pas de remords quant à ce que j'ai écrit dans ma critique. J'ai évalué une proposition artistique. Un critique ne peut pas perdre son sens critique devant un tel qui fausse parce qu'il devient sourd ou un autre qui oublie ses mots parce qu'il a trop bu. On n'évaluerait plus rien si on prêtait aux artistes des circonstances atténuantes dictées par des facteurs humains. Cela dit, c'est très difficile. L'idée que mon Chou Leloup! ait provoqué une polémique qui cause une blessure si profonde est lourde à porter.

J'avais écrit que je n'irais plus jamais voir un concert de Jean Leloup sauf si on me payait. Aujourd'hui, j'ai envie de redonner des chances. Je suis profondément émue par la souffrance exprimée par Leloup, mais encore plus par son courage de dire et d'assumer. Son courage de continuer malgré la honte qu'il a ressentie, malgré les obstacles que la vie pose sur sa route. Ce courage-là invite à l'indulgence. Je crois que Leloup ne jouera plus au dictateur avec son public.

«Si je pète les plombs, écrit-il, faites-moi signe d'arrêter, coupez le son, baissez les mids, prenez-moi dans vos bras, attachez-moi et faites venir une danseuse du ventre et quelqu'un qui me lit des bouts de Perec, Foglia, Saint-Denys Garneau, mettez du Robert Johnson et du Bob Marley. Attendez quinze minutes, et je continue le spectacle en forme, promis.»

Leloup offre mille excuses. Est-ce que mille pardons peuvent lui être accordés pour son comportement au Colisée? Je lui envoie le mien...
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Dernière mise à jour le 26 avril 2009.
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