Leloup libre!
par Éric Moreault
dans Le Soleil, 6 octobre 2000
Critique

John The Wolfe » joue de la guitare... mais ne reste pas assis bien longtemps

QUÉBEC - « Ladies and gentlemen, after one year, John The Wolfe. Ha ha ! » Non, ça ne s'est pas passé comme ça du tout. Alors que régnait une atmosphère tropicale, Jean Leloup s'est assis tranquillement sur sa chaise à l'avant-scène, entre deux oiseaux tropicaux, avec sa chemise à l'avenant. Et là, il s'est mis à jouer de la guitare, des rythmes et des chansons pour entraîner les spectateurs au gré de sa liberté retrouvée. Le loup libre ! Un souffle de douce folie soufflait sur le grand noir et sa guitare. Du rouge, du rouge, du rouge... et un peu de jaune. Leloup se lève, déclame, grisé par les possibilités.

Le contact facile et intime malgré la profondeur de la salle, Leloup a la complicité aisée. À ce public qui mange dans sa main, il peut proposer deux inédites pour commencer, dont Gros Bill, une chanson paillarde en « hommage » au président américain.

Juste avant de jouer Le monde est à pleurer, le rideau se lève sur son bassiste Alex Cochard et son batteur Stéphane Gaudreault. L'acoustique porte habituellement au ralentissement, comme cet Antiquaire délicieusement bluesé, mais pas de généralisation, ce serait mal connaître l'animal : Printemps-été passe plus vite que le temps de chanter le refrain.

Ce dépouillement permet d'entendre à merveille la subtilité des mélodies de Leloup, de redécouvrir des chansons que les années et l'indifférence de l'interprétation commençaient à empoussiérer. Oubliés les longs jams narcissiques de la tournée précédente qui ne menaient nulle part...

Il est clair que Leloup ne pouvait rester assis bien longtemps. Après un début valium de Cookie, il s'est soudainement dressé pour livrer une version électrique acide avec Nelligan à l'appui. Liberté pour les givrés blancs...

Liberté, je disais. Assez en tout cas pour une interprétation époustouflante et très seventies du Summertime de Gershwin, parfaite incarnation du power trio à la Hendrix - Leloup est gaucher, n'est-ce pas ?

Liberté ? Assez pour se moquer de Luc Plamondon sur le modèle, la voix haute perchée et le rire maniaque, « j'aurais voulu être un rockeuuur ». Le gag allait devenir récurrent. Complètement fou à sa seule mesure, Leloup délire mais contrôlé.

Il est revenu s'asseoir pour la deuxième partie comme la première, seul avec sa guitare, interprétant une autre inédite, L'Église. Encore une fois, il ne sera pas long avant de s'animer. Ils sont trois ? Pas grave. Leloup ponctue Isabelle de « ta-la-la-la » à la place des cuivres.

Ce n'est pas toujours l'extase pour autant : La vie est laide manque de punch et on s'ennuie de la rythmique dans La Chambre. Petite réserve vite oubliée quand il nous balance Les Fourmis avec un groove d'enfer, une Sang d'encre sentie et en considérant la générosité du bonhomme : au-delà de deux heures et demie de chansons, sans oubli, parti pour la nuit.

Le rappel s'est ouvert sur Le Dôme : les spectateurs, trop contents de se lever enfin, ont accompagné en criant et en frappant des mains par-dessus le voisin.

Jean Leloup est le génie malfaisant de la chanson québécoise, l'impertinence polissonne et l'attitude bravache en prime.

Et il est enfin liiiiiibre. Ça donne le vertige, mais l'ivresse est si belle... Leloup, Leloup, Leloup, Leloup...


page principale | articles: alphabétique | articles: chronologique | photos

Dernière mise à jour le 6 octobre 2000.
http://news.lecastel.org
Conception: SD