Jean Leloup-Épuisé, mais toujours aussi mordant
par Philippe Zeller
dans PC, 17 août 1992
Entrevue

Jean Leloup et La Sale Affaire ont mis un terme au chapitre de L'Amour est sans pitié en prenant littéralement d'assaut la scène du Spectrum, mardi dernier, lors d'un concert consacrant à la fois les retrouvailles et la séparation temporaire du groupe d'avec son public.

«C'est un show gratuit pour finir la tournée, avait-il annoncé en entrevue quelques jours auparavant. C'est le point final, merci, bonsoir...»

Dans un bistro de la rue Saint-Denis, Leloup, à la fois enthousiaste, amusé, amer et rageur, dresse un bilan et lance tout de go: «Je suis épuisé». «Ça fait deux ans que je tourne, explique-t-il. J'ai commencé un disque il y a deux ans et demi; je l'ai fini il y a deux ans; je l'ai sorti avec un band que j'aime. Disons que ça a été de l'ouvrage en...».

Épuisé, certes, mais toujours aussi mordant, Leloup. Et rien ni personne n'échappent aux sarcasmes. «Il fallait toujours que je me batte contre tout le monde. Le Québec ne savait plus que le mot cul existait. Ils m'ont emmerdé en me demandant si j'étais flyé. Maintenant, ils me demandent tous si je me suis assagi. Je pense plutôt que ce sont eux qui sont moins cons.»

«Eux», ce sont avant tout la radio, «complètement détachée de la réalité et directement branchée sur les vieillards», et les journalistes, auxquels Leloup reproche un manque de curiosité. «Il y a plein de jeunes qui vont voir des bands et les journalistes ne mettent jamais les pieds là.» Mais aussi, la génération des «forty something». «Ils ont l'impression que le monde s'est arrêté après Charlebois.» Et, enfin, les nationalistes. « Les gens n'ont pas compris que je ne suis pas un drapeau québécois, que je ne fais pas de politique, lance Leloup. La musique, pour moi, c'est une affirmation de moi-même, pas un drapeau, ni une religion.

«Alors, faut que je me batte.» Et tous les coups sont permis. «J'aurais pu ne pas mettre les chansons en anglais sur le disque, mais je me suis dit: 'Ils me font...'; il y a plein de groupes francais qui chantent des tounes en anglais, et même en espagnol.»

Rançon de la gloire?

Incompréhension, donc, mais pas nécessairement rançon de la gloire. De retour du Togo où il avait suivi ses parents, le jeune Leclerc, alors âgé de 8 ans, choquait déjà avec ses danses tribales.

«Les voisins ont interdit à leurs enfants de me fréquenter, se rappelle-t-il, amusé. Les enfants disaient que j'étais un vicieux. Pourtant, je n'avais pas un petit spermatozoïde qui aurait pu me donner le moindre désir sexuel.»

Et la réputation de grande gueule de l'homme? «En Amérique du Nord, les gens silencieux passent pour des sages. En Afrique, on leur demande s'ils sont malades.»

Quoi qu'il en soit, les salles sont désormais combles lorsque sont à l'affiche Leloup et sa Sale Affaire -les guitaristes Yves Desrosiers et Alex Cochard, le bassiste Gilles Brisebois et un nouveau batteur, Georges Bertrand. Au Québec, bien sûr, mais aussi en France où ils auraient pu faire une bonne opération au cours de l'automne.

«On m'avait offert du cash. Mais je n'ai pas envie de me répéter. On n'avait pas le temps de monter quelque chose de nouveau et il aurait fallu faire le même show.»

Son prochain disque

Leloup a donc choisi de se consacrer à son prochain disque, dont la sortie n'est pas prévue avant janvier ou février prochain.

«J'ai assez de chansons, mais je ne veux pas que les gens aient juste un disque de plus, c'est inutile.»

Les nouvelles pièces seront «beaucoup plus dures», auront un fil conducteur et, espère Leloup, adopteront une forme différente de celle que prennent habituellement les chansons. «Je voudrais créer un univers beaucoup plus compact sans être à la merci de la structure couplet-refrain.»

Leloup se réjouit d'entrer en studio avec son groupe, de plus en plus soudé, de plus en plus la bonne affaire. «J'adore travailler avec ces gars-là. Tranquillement, à force de jouer ensemble, il s'est créé une sorte de chimie.» «Quand je pense que pas un journaliste n'a jamais pensé à parler à mon band...», regrette-t-il.

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Dernière mise à jour le 1 novembre 2001.
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