Leloup inspiré, intense et de retour pour de bon
par Philippe Rezzonico
dans Rue Frontenac, 14 novembre 2009
Critique

Jeudi soir, vers 23 heures 30, au terme de la prestation du Downchild Blues Band, les employés de Spectra s’affairaient à changer les lettres sur la marquise du Métropolis pour annoncer les spectacles de Jean Leloup, prévus vendredi et samedi. Sous les dates requises et les grosses lettres de J-E-A-N L-E-L-O-U-P, on avait rajouté, en plus petit, « Il est trop tard Johnny Guitar ».

Bien sûr, il s’agit de l’appellation officielle de la tournée de Leloup, comme c’est indiqué au sein de son site web. Mais pourquoi un tel slogan ? Trop tard ? Pourquoi, trop tard ? Trop tard pour quoi ?

La question m’a trotté dans la tête en rentrant et chez moi et toute la journée de vendredi. Il ne s’agit même pas du titre d’une chanson du plus récent disque de Leloup, Mille Excuses Milady, sinon qu’il évoque Johnny Guitar dans la chanson Old Lady Wolf. Y a-t-il un message subliminal comme seul Leloup peut y songer, veut-il dire qu’il estime lui-même que ses meilleures années sont derrière lui, ou faut-il plutôt ne pas chercher de midi à quatorze heures ?

Au final, cette interrogation ne faisait que renforcer le sentiment d’insécurité qui m’habite depuis quelque temps à la lumière de la sortie surréaliste de Leloup à L’Autre Gala, à sa performance aussi festive que brouillonne, au gala de l’Adisq, et, bien sûr, au fameux show torpillé de Québec l’an dernier. Ça faisait longtemps que je m’étais pointé à un spectacle de Leloup en me disant que les éclairs de génie du passé, justement, étaient peut-être chose du passé.

Le vrai John the Wolf

L’entrée sur scène avec un Leloup titubant en appui sur sa canne et le laïus de cinq, six minutes… qui a suivi, portant sur ses débuts, l’Afrique et son adolescence, totalement décousu, n’avait rien pour me rassurer. Puis, le riff de Old Lady Wolf s’est fait entendre…

Durant les deux heures dix de performance qui ont suivi – sans compter l’entracte -, Leloup a démontré qu’il était encore John the Wolf, à savoir un artiste inclassable, aussi imprévisible que génial, qui peut encore sérieusement livrer la marchandise quand il le désire. Et vendredi, ça lui tentait pas à peu près.

Durant les trente premières minutes, tout le monde se dandinait sur les rythmiques qui reposaient sur des grooves imparables, la marque de commerce de Leloup durant ce nouveau spectacle. Les nouveaux titres comme Morning, les récentes chansons telle Le malheur et les classiques comme Edgar avaient toutes le même dénominateur commun : un élan irrésistible.

Pigeon, soutenue par la foule survoltée qui battait la mesure, et Horrible Fool, qui reposait sur une ligne de basse digne des compositions de l’album Black and Blue, des Rolling Stones, se sont fusionnées comme si elles provenaient du même disque.

Unité de son

Ce parti pris avait quand même un revers de fortune. En unissant par des rythmiques similaires des chansons de différentes périodes, ce que Leloup gagnait en unité, il le sacrifiait aux explosions potentielles. Quand on a observé la frénésie qui régnait durant La vallée des réputations et Les fourmis, on ne pouvait que se demander ce qui se serait produit si Leloup avait sorti du stock légendaire, genre Cookie ou Isabelle.

Il ne l’a pas fait et, finalement, c’est tant mieux. L’un des aspects les plus plaisants de cette performance était d’entendre des tas de chansons de Mille Excuses Milady et Mexico qu’on n'avait jamais entendues sur scène – sauf les gens qui étaient à Québec en 2008.

Les lancinantes et poignantes Les moments parfaits et L’innocence de l’âme étaient fabuleuses, quoique ça aurait été une bonne idée que le tiers de la salle comble qui parlait sans cesse se la boucle.

Leloup, lui, était juste ce qu’il faut d’irrévérencieux et de poseur, fumant comme une cheminée, et ayant un plaisir fou à voir les réactions de la foule durant La plus belle fille de la prison et Paradis perdu, où un tas de fans faisaient du bodysurfing, comme dans les belles années de Leloup.

En fait, on doit mille excuses à Leloup pour avoir douté de lui. Finalement, il n’est pas trop tard pour avoir droit à un bon show de Johnny Guitar.

Photos Catherine Lefebvre: Finalement, il n’est pas trop tard pour avoir droit à un bon show de Johnny Guitar.
Cet article contient aussi des images: [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14]
page principale | articles: alphabétique | articles: chronologique | photos

Dernière mise à jour le 17 novembre 2009.
http://news.lecastel.org
Conception: SD