Rock le lait - Swing le yogourt
par Patrick Marsolais
dans VOIR, 30 septembre 1993
Article

Quatre heures de route sur l'endormante et tout aussi longiligne 40, c'est long pour entendre un spectacle, fût-il ou non animé par 300 000 watts. Et pourtant, en rappliquant vers Montréal depuis Hull, on m'aurait proposé de suivre la Tournée Rock Le Lait avec France D'Amour, Vilain Pingouin et Jean Leloup jusqu'à Rouyn-Noranda que j'y serais allé les yeux fermés. Pour le show, évidemment, mais aussi pour les fans en région, de véritable fous furieux dont la foire semble être le mot d'ordre.

Faut avouer que les athlètes en herbe avaient de quoi être galvanisés. En lever de rideau, France D'Amour a démontré qu'elle n'était pas qu'un semblant de rockeuse avec minois irrésistible. En moins de deux, la chanteuse a mis les fans de Leloup et des Pingouins dans sa petite poche, enfilant ses tubes avec une énergie suffisante pour alimenter toute une centrale hydro-électrique. Si le party a vraiment débuté avec Ça va brasser, en fin de programme, mentionnons tout de même une intéressante version bluesy de L'Appât des mots. Lui reste maintenant à étoffer ses petits discours entre ses chansons...

Alors que les derniers élans vocaux de la dame résonnaient, l'aréna Robert-Guertin était pourtant triste à voir, avec ses quelque 1200 visiteurs sur une capacité de 4500. Comptons nous chanceux que ceux présents aient décidé d'être partie intégrante du spectacle de trois heures. Pas de doute, le prochain champion olympique de plongeon vit présentement à Hull et s'entraîne sur des êtres humains... Claude Samson, guitariste des Pingouins, affirmait après sa prestation n'avoir jamais rien vu de tel. Nous non plus.

Pour rester dans le domaine de l'inédit, mentionnons la performance de Vilain Pingouin. À voir Rudy Caya tourner en rond la mâchoire serrée, on sentait que quelque chose de spécial surviendrait. Pas le temps de se questionner, les premières notes de Le Droit de chialer confirmaient déjà notre présomption. Ce fut ensuite Délinquance, Témoin, et autres pièces coulées dans le béton. Pif, paf, aucun répit, si ce n'est Sous la pluie, presque hors contexte dans un programme à ce point percutant. Plus synchro que jamais, le quintette étonne aussi dans son désir continuel d'améliorer les versions premières de ses hits, à commencer par l'intro de Le Train. Vilain Pingouin a tourné beaucoup au cours des derniers mois, et cela se sent.

Ce qui n'est pas le cas de Jean Leloup, la déception du lot. Bien sûr qu'on a pris plaisir à goûter les succès de L'Amour est sans pitié. Mais ceux-ci, de même qu'une version électrifiée de Printemps-été, n'auront pas eu raison du désappointement engendré par des finales de chansons bâclées, par une version ralentie et plus que douteuse de 1990, ainsi que par une pléiade de nouvelles pièces, difficiles à apprécier avec une sono aussi pauvre. À bien y penser, Leloup est sans doute celui qui aura le plus souffert dans ce temple de l'écho. Ses chansons inédites, plus d'ambiances (dont une d'inspiration carrément orientale) que swingantes, nous ont obligés à apprécier l'ensemble des textes, plutôt que de se référer à un groove connu. Or, tenter de saisir la moindre subtilité ce soir-là à Hull relevait tout simplement d'une mission impossible. Dommage, parce que le chanteur semblait dans une forme peu commune, maîtrisant sa voix comme rarement. Des pépins qui devraient sans doute avoir disparu au Forum, alors que Leloup aura déjà une dizaine de concerts dans le corps, et où le son risque de lui rendre meilleure justice. On vous le souhaite.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 31 juillet 2000.
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