Spectrum, les 28 et 29 septembre
par Nicolas Tittley
dans VOIR, 5 octobre 2000
Critique

On a laissé le temps à la poussière soulevée lors de la première médiatique de retomber avant d'approcher Jean Leloup, qui s'installait au Spectrum pour quatre soirées "intimes" (trompeusement présentées, sur les affiches, comme "acoustiques"). Lorsqu'on est allé à sa rencontre, le deuxième soir, on a pu voir un Leloup hilare, entouré de mouettes tout aussi rieuses, jouant devant un décor en forme de grosse lune rouge et (ou) jaune. Ça augurait bien. Atmosphère détendue, bon enfant; décor sobre, à l'image de ses deux musiciens (Alex Cochard à la basse et Stéphane Gaudreault à la batterie) discrets mais efficaces, prêts à le suivre dans les méandres de l'imprévisibilité.

Dès les premières mesures, interprétées en solo à la guitare sèche, on comprend ce que Leloup entendait par "intime". On a tout de suite l'impression d'être dans sa cuisine, dans sa chambre à coucher, ou autour d'un feu de camp. Il enchaîne coup sur coup des ébauches de nouvelles pièces, des versions écourtées et des réécritures complètes. Parfois, il a l'air du gamin qui vient présenter fièrement une bestiole morte ou une crotte de nez à sa mère ("Regarde, regarde, j'ai écrasé Printemps-été!"); à d'autres moments, d'un savant fou qui semble sur le point de percer le secret de la pierre philosophale. Car Leloup marche sur un fil très ténu, avec pour seul parapluie cet incroyable charisme. Qu'il tombe importe peu, puisque le public est toujours juste en dessous pour le ramasser dans son filet. Ainsi, lorsqu'il bûche comme un enfant de trois ans sur son vibraphone, visiblement fier de sa médiocrité, on lui pardonne, parce que c'est cette même attitude insouciante qui fait qu'il nous livre aussi des perles spontanées, comme cette version funky d'Alger, particulièrement appréciée de la foule. Oui, l'homme a du génie, et on a pu le constater à nouveau en allant voir le concert de vendredi, alors que les premiers symptômes de la grippe commençaient à se faire sentir chez le chanteur. Bien qu'il n'en avait cure, Leloup affichait tout de même quelques signes de fatigue évidents. La voix était brisée, l'énergie, moins fulgurante, et les chansons avaient tendance à se terminer en queue de poisson. Mais il était là, souriant, à se donner tout entier, tout croche, et tout beau. Ils ont aimé.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 10 octobre 2000.
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